Le lavoir à charbon de Carmaux est un site spécial : attrayant mais repoussant, énervant mais enivrant. Il a une histoire sociale forte qui lui est liée, de Jaurès à Mitterrand, beaucoup sont passés par Carmaux. Malgré cela, il reste le lieu le plus dangereux que j’ai visité jusqu’à présent. Pourquoi? Pour trois raisons, la première c’est son état de délabrement très avancé, la seconde, c’est la pollution et la troisième, je pense le plus grand, j’en parlerai plus loin dans l’article.
DISCLAIMER : JE VOUS DECONSEILLE FORTEMENT D’ALLER SUR CE SPOT, J’AI MIS LE NOM DE LA COMMUNE MAIS PAS LA LOCALISATION PRECISE VOLONTAIREMENT PARCE QUE C’EST UN COUP A SE FLINGUER FACILEMENT. VOUS ÊTES PREVENUS, A PARTIR DE MAINTENANT, JE ME FOUS DE CE QU’IL S’Y PASSERA.
Je n’ai pas mis volontairement la totalité des photos sur la page car il y en avait trop, puis avec son histoire, c’eut fait un article vraiment trop long. Vous trouverez un lien plus bas pour accéder à la galerie du photo-reportage.
On est partis avec Vincent avec le camping-car de mes beaux-parents (merci beau-papa et belle-maman), gentiment renommé l’Urbexmobile pour l’occasion, pendant quelques jours afin de faire de la photo. On n’avait pas d’impératif ni de lieu défini mais on savait que ce spot existait, en même temps, c’est un peu le spot industriel le plus connu de la région et ça faisait un moment qu’il nous faisait de l’œil. Nous nous retrouvons dans en route pour un des derniers lavoirs à charbons encore debout en France.
Histoire brève du bassin houiller de Carmaux
Vous en avez rien à foutre ? Retrouvez l’intégralité du photo-reportage ici (81 photos)
On retrouve des traces du bassin houiller dès le XIIIème siècle, mais sans qu’il soit exploité vraiment de façon correcte, ils gratouillaient la terre histoire de récupérer quelques minerais pour se chauffer mais sans le faire de façon industrielle. La première compagnie industrialisant l’exploitation du charbon fut « La compagnie minière de Carmaux » (il se faisait pas chier avec les noms) en 1792 par édit royal et employait 200 personnes qui sortaient 6500 tonnes de houilles par an.
L’histoire de cette mine est d’une façon certaine liée à l’histoire de France et plus précisément à l’histoire du socialisme français.
De Jean Jaurès…
2 août 1892 : suite au licenciement du maire de Calvignac (une commune proche de Carmaux) pour des raisons politiques, les mineurs se mettent en grève pour demander la réintroduction de leurs délégués syndicaux et la liberté d’opinion.
La troupe (des gendarmes) fut envoyée par le président du conseil de l’époque pour mâter la rébellion, mais à partir de là, ça part en live, des grévistes sont arrêtés, jugés et condamnés. (toute ressemblance avec une histoire récente ne saurait être que fortuite).
Jean Jaurès qui n’avait pas été réélu comme député en 1889 prit parti pour les grévistes et les défendit.
La grève s’éternisa jusqu’à la démission du député local (propriétaire de la mine) et du directeur de celle-ci suite à l’arbitrage du président du conseil le 3 novembre 1892. Jaurès déclara alors : « La victoire ouvrière de Carmaux donnera un élan nouveau à la démocratie ».
Dans sa légende, c’est grâce à cet épisode que Jaurès adhère définitivement au socialisme, il est réélu comme député du Tarn en 1893 lors de l’élections législative partielle.
Une statue à son effigie est toujours érigée sur la place principale de Carmaux.
Plus récemment dans les années 60, la mine était gérée par Charbonnage de France qui était un établissement public nationalisé juste après la guerre. En 1963, une grève nationale est lancée pour récupérer les salaires qui auraient dû augmenter et les syndicats nationaux firent pliés le Général de Gaulle. En 1968, les mines de Carmaux étaient également en grève sans pour autant qu’on puisse trouver beaucoup de document dessus.
… à François Mitterrand
En 1980 quand Mitterrand a lancé sa campagne, il l’a fait à Carmaux, en promettant de sauver les mines de charbon en perte de vitesse financière, lourd à gérer et difficile à rentabiliser.
Après l’élection de Tonton – le dernier bon président de la Vème république – on investit massivement dans la mine de Carmaux, 15 milliard de francs pour en faire la plus grande mine à ciel ouvert d’Europe.
En 1991 le contexte social est tendu, un plan social prévoyant le départ de 460 mineurs est prévu, les ouvriers décident de ne pas se laisser faire, c’est le début de la grève :
Ce fut assez rude, comme à chaque grève, les CRS ont été envoyés, mais cette fois-ci, tout ne se passa pas comme prévu, ils furent bouter hors de la commune à coup de gros engins d’excavation qui avaient été fortifiés par les mineurs pour l’occasion.
On ne trouve pas grand chose finalement sur ces grèves, si ce n’est quelques rares vidéos où l’on voit notamment les camions de CRS se faire détruire par les grosses pelleteuses, vous pouvez les consulter :
- Part 1 : https://www.youtube.com/watch?v=11ddN2v_bJ0
- Part 2 : https://www.youtube.com/watch?v=1aDwotQDn5I
- Part 3 : https://www.youtube.com/watch?v=Aq1q-iaDTZM
- Part 4 : https://www.youtube.com/watch?v=tZkzFf434tg
En 1993, rebelote, mais pareil, pas grand chose à se mettre sous la dent niveau information :
La mine à ciel ouvert fermera définitivement ses portes en juin 1997, laissant un énorme trou béant qui fut converti en centre de loisir Cap’Découverte, toujours en activité, et pas mal de problèmes environnementaux même si vu qu’on en parle pas, il n’existe sûrement pas.
Le lavoir à charbon fut racheté par un homme d’affaire toulousain qui voulait reconvertir le site, pour le moment, le projet est à l’arrêt.
And now ? Tout se casse la gueule…
Les lavoirs à charbon servaient à séparer les cailloux du charbon. Le principe était simple, le charbon n’ayant pas la même densité que la roche, on plongeait les deux dans un liquide d’une densité moyenne, le charbon flottait, les pierres coulaient, et il y avait juste à ramasser ce qui nous intéressait.
Comme je le disais juste en introduction, tout se casse la gueule dans ce lavoir à charbon et il faut peser chacun de ses pas, les dalles en béton et en plaques de fer ont pris vraiment très très cher les dégradations volontaires (on vient pour tout casser, où on fout juste le feu tout en mettant en danger la vie des pompiers…), le temps et le mauvais temps. A certains endroits, le béton est si fin qu’on le sent vibrer à chacun de nos pas, les plaques de fer qui constituent une partie du plancher sont complètement rouillées, dessoudées, déformées et même percées à certains endroits : le temps a fait son oeuvre. Il faut aussi faire attention au dessus de soit : ne pas prendre une tôle ou autre chose sur le crâne, même si les chutes ont été assez rares, elles ne sont pas inexistantes pour autant.
Tout se casse la gueule et justement, il faut faire attention à ne pas finir comme Mike Brant, il y a des trous béants de partout, des rambardes qui ne tiennent pas, des escaliers sans marches… Bref, un truc de malade qui fait une trentaine de mètre de hauteur, et là, ça ne pardonne pas.
Ecologie quand tu nous tiens : c’est putain de pollué
A cela, il faut rajouter ça, la deuxième, c’est la pollution qui est omniprésente sur le site : entre les produits chimiques toxiques qui ont été utilisés durant des années sur le site, le bassin de rétention qui fuit situé juste au dessus et l’amiante qui est de la partie, on se demande si on va pas finir avec un cancer en ressortant de ce spot. D’ailleurs, comme le souligne Vincent, à certains moment, l’odeur des produits chimiques est difficilement soutenable.
Le pire dans tout ça, c’est que la flotte qui rentre dans ce site que ce soit par la pluie ou par la fuite du bassin de rétention et qui se charge encore plus polluant finit sa course dans un petit ruisseau un peu plus bas. Je n’ai pas vérifié ce que ça donnait plus loin, mais ce que je sais, c’est que généralement, c’est pas très très bon pour la santé.
Je vais par principe nuancer un peu mes propos car on a vu pas mal de crapauds, grenouilles, salamandres, on ne connait pas l’état de santé de ces bestioles, mais elles existaient, alors même si une partie du sol est stérile, on peut se poser la question de savoir qu’elles sont réellement les conséquences de l’exploitation de ce lavoir à charbon. Il faisait nuit et je n’ai pas pris de photos, Vincent en a peut-être une ou deux, mais dans l’ensemble, on les a laissés tranquille.
Insérer ici un titre putaclic du genre : « UN URBEX DANS UN LAVOIR A CHARBON QUI TOURNE MAL MAIS QUI FINALEMENT SE REVELE ETRE RIEN DU TOUT »
Le troisième danger que je tease volontairement en faisait du putaclic, c’est qu’un des deux réservoirs est plein et ça, c’est juste pas cool parce que vu l’état des pieds, ça pourrait se casser la gueule à tout moment et emporter avec lui la quasi-intégralité du bâtiment selon comment il tombe. Je sais que Vincent a fait une photo de la cuve pleine, personnellement, je n’ai pas osé m’approcher trop du bord.
C’est un de ces gros machins qui est plein et ça fait grave peur :
Malgré tout, ce lavoir à charbon est vraiment putain de photogénique, avec une ambiance cinématographique de fou. On le retrouverait dans un Mad Max ou un Fallout que ça ne dénoterait pas.
Ensuite, il faut dire qu’on a pu grâce à l’Urbexmobile rester une après-midi, une nuit et une matinée sur place, ce qui nous a permis d’avoir des lumières différentes sur cet immense complexe industriel de sept étages.
On a bien pris le temps de faire tout le complexe, mais on a pas pu arriver au bout : une partie est inaccessible sans un équipement de grimpeur, une passerelle a été volontairement sciée. Ceci dit, mise à part des points de vue bien spécifique pour certaines photos, on a pas raté grand chose !
Au final, je ne suis pas mécontent de ces photos qui – je pense – arrivent à faire ressortir le côté graphique du lavoir à charbon. Le fait d’y avoir été également de nuit permet des choses impossibles en pleine journée et peut donner une autre perspective. Bon OK, on a évité de s’aventurer dans les parties vraiment dangereuses à ce moment là, mais l’atmosphère était franchement top. La prochaine fois, il faudra que je prenne le micro pour faire des sons d’ambiance, parce que c’était grave flippant. Je pense que j’aurais pu rester encore 48h sur le lieu sans trop me lasser, mais le but de ces 3 jours en camping-car, c’était quand même de faire pas mal de spot.
Pour la petite histoire, on s’est cassés les dents le second jour en arrivant sur un lieu qui avait été détruit tout récemment. Et finalement le troisième jour, on est tombé sur une tannerie oubliée depuis quelques années… Mais ça, je vous le conterai une prochaine fois.
N’hésitez pas à partager et à coller un petit like, ça fait toujours plaisir d’être lu et vu !
Enfin un contenu de qualité en matière d’urbex. Félicitation pour le travail !
Magnifiques photos.
J’ai habité à moins de 500 mètres, à la Pigasse depuis 1947 jusqu’en 1963.
Je suis déçu qu’aucune protection n’ait été prise contre les vandales.
Lors d’une visite en 2021, j’ai constaté que les 2 tunnels de descente avaient été dynamités, pour en interdire l’utilisation ?
J’ai travaillé pendant l’été 1962 et l’été 1963 aux puits de la Grillatié, Tronquié et Sainte marie.
Une bonne expérience qui m’a permis d’apprécier l’esprit des mineurs.